Racaille Blues/ Rokudenashi Blues [Manga de Masanori Morita]

Racaille Blues/Rokudenashi Blues est le 1er Furyo que j’ai eu dans les mains… Et ce fut pour moi une claque dans la gueule et la découverte d’un genre. Retour sur ce classique.

racaille-blues-1-jai-luCa raconte quoi?

Taison Maeda, est un as de la baston. A ce niveau sa réputation n’est plus à faire. En attendant de devenir boxeur pro, il peaufine sa technique dans des bagarres de rues. Et dur-dur de concilier école, passion pour la boxe, amitiés, relations amoureuses, quand les racailles de la moitié des lycées de la ville passent leurs temps à vous tester. Maeda va devoir composer avec tout ça en plus de gérer des règlements de comptes entre lycées, des querelles internes, des gars qui veulent être calife à la place du calife.

Tout ça uniquement à la force de ses poings, de ses convictions et avec sa bande de potes…

Pourquoi c’est bien ?

Préambule : Chuis vieux et même si je sais que le titre s’appelle en réalité Rokudenashi Blues,  pour moi qui l’ai découvert à l’époque J’ai Lu ça reste Racaille Blues. Vous étonnez donc pas de voir ce nom revenir tout au long de ce billet.

Racaille Blues/Rokudenashi Blues est un shōnen manga typé Furyō publié de 1988 à 1997 dans les pages de l’usine à hits; le Shonen Jump. Réalisé par Masanori Morita, un type qui a un coup de crayon de folie (on y reviendra) et qui sait raconter une histoire. Encore aujourd’hui c’est un classique au Japon qui a bénéficié de nombreuses rééditions (deluxe entre autres) et même d’un drama. Mais c’est surtout le premier manga Furyō qui a été publié en français. Ça se passe aux éditions J’ai Lu et on est en 2002. Et on n’est pas prêt…

Si le Furyo manga est un genre qui a énormément d’influence sur les autres genres et dans énormément de publications, ici il est quasiment inconnu. Racaille Blues est un excellent exemple de son importance, car si c’est un titre issus du Jump c’est aussi une référence du Furyō manga.

Racaille Blues démarre de manière très classique et la mise en place des éléments -lieux, personnages, contexte- l’est tout autant. On y suit Maeda et ses potes dans leur quotidien de lycéens amateur de bastons. On peut même dire que ça prend le temps de se poser et si les bastons sont monnaie courante, il faut attendre un petit peu pour rentre dans le « dur » est dans des arcs purement axés sur la baston. Car Maeda et sa clique ne sont pas des délinquants « durs » et violents, ils ne font pas de « trafics », de coup de putes ou des plans foireux en bastons, contrairement a quelques uns de leurs adversaires. Ils sont juste très portés sur la baston et les rivalités inter-lycées.

Alors oui, on est dans du ultra classique mais maitrisé et sublimé par le talent de Morita.

Maeda est d’ailleurs l’archétype d’un héros du Jump: un peu idiot, impulsif, qui agit sans réfléchir, naïf, entier, un peu soupe au lait mais avec un grand cœur. Et comme tout bon héros de shōnen il a un rêve ; devenir boxeur professionnel. Son noyau dur est d’ailleurs aussi un ramassis de clichés sur pattes. Mais bon ceux qui ont lu quelques mangas savent que la recette a fait ses preuves et surtout que c’est pas toujours le plus important.

Parce que le parcours de Maeda et ses potes dans le fond, c’est pas vraiment le cœur du truc, au mieux un prétexte. Ici tout est avant tout, histoires d’amitiés, de valeurs, de sentiments, d’honneur et de faire ce qui est juste. Car les racailles ont un cœur et surtout des valeurs, même s’ils expriment ça avec leurs poings (et leurs pieds, têtes etc.). Et les gars arrivent a se foutre dans de sacrés merdiers pour aider un pote, régler une situation pourrie ou simplement parce qu’ont les y a mis. Car être le N°1 c’est cool mais c’est un combat de chaque instant et les jaloux comme les rivaux sont nombreux. Et certains sont prêt à tout pour arriver à leurs fins. Si en plus la galerie de personnages mis en place est haute en couleurs avec des personnalités affirmées et que ça nourri et sert le récit on a clairement la recette d’un bon Furyō. Ici pas de mondes imaginaires et/ou fantastiques, pas de supers pouvoirs etc, tout repose sur les personnages et sur les intrigues mises en place.

Et sur la bagarre… Mais pas que…

Racaille-blues

Qui dit Furyō dit généralement bastons ! Et les bastons sont monumentales, réalistes, immersives et supers bien menées. Tout monte crescendo et Maeda et sa clique auront a affrontés des adversaires de plus en plus badass, de plus en plus forts et techniques. Si la force brute suffisait au début, les gars vont devoir se dépasser pour défendre ce a quoi ils tiennent. Parce que dans le fond, Maeda il s’en fout un peu d’être qualifié de N°1, il a obtenu ce titre en défendant ses amis, ses principes et ses valeurs. Et c’est avant tout pour préserver tout ça qu’il se bat.

Pour nourrir son récit, Morita introduit régulièrement de nouveaux protagonistes en leur créant un véritable rôle et une vraie dynamique. Si au départ ce sont généralement des antagonistes, la plupart ne se contente pas d’apparaitre le temps de leur arc pour ne plus faire que de rares apparitions par la suite. Non, ils deviennent des personnages à part entière et vu que Racailles Blues tire un peu vers le shōnen nekketsu, les ennemis d’hier deviennent bien souvent les alliés d’aujourd’hui…

La psychologie des principaux personnages et antagonistes est fouillée et c’est là que Morita sublime vraiment son récit et pousse le truc plus loin que de la baston pour de la baston en livrant des personnages justes, entier qui sonnent vrais. Tantôt attachants, tantôt détestables, aucuns ne laissent indifférents. Leur background est toujours tôt ou tard révélé et chacun possède son lot de fêlures ou de blessures -physiques ou morale- qui l’ont poussé a commettre certains actes. Et y’en a quelques uns qui on vraiment eu un parcours de merde. A Maeda et ses potes de faire face et de mettre un peu d’ordre dans tout ça. Et généralement a grand coup de latte dans la gueule pour que la leçon pénètre bien profondément dans le crane.

Pourtant l’auteur ne cautionne ni ne justifie jamais les actes de ses personnages. Il met en place des situations/personnages et donne les éléments pour en saisir les conséquences et pour que le lecteur en tire ses propres conclusions. Quelque part Racailles Blues adopte le même postulat que Yuuyake Bancho (Manga de 1967 de Ikki Kajiwara et Toshio Shoji) et la rédemption par le sport via le personnage de Maeda. En effet la boxe est présente en filigrane tout au long du manga, Maeda a toujours son objectif en vue. Juste qu’actuellement, plus que la boxe, c’est les copains, le collège et les bastons qui occupe Maeda. Et c’est un choix conscient, réfléchi et assumé. Car même s’il n’a jamais voulu de cette place et de cette réputation, Maeda est parfaitement conscient des responsabilités que cela implique…

En un sens, Racaille Blues est sans doute un des Furyō qui aborde le genre sous son angle le plus « pur ».

Si certains passages sont violents et durs (voire crus), une large place est réservée à l’humour. Outre les nombreux chapitres inter-arcs plutôt axé comédie et/ou vie scolaire, la soixantaine d’omake qui parsèment les 42 tomes du manga, beaucoup de quiproquos et autres passages comiques sont dû à Maeda, sa personnalité explosive et sa maladresse naïve.

Car si la baston et tout ce qui y est lié est une composante essentielle du titre, a coté de ça, facilement la moitié du manga est centré sur la vie scolaire et la vie des différents personnages. Car comme je l’ai dit plus haut, Morita n’oublie pas les personnages qu’il a introduits et les remets régulièrement ou ponctuellement au centre du récit. Et c’est une composante majeure du récit, je m’explique ;

Racaille Blues démarre posément, si vous vous attendez a rentrer directement dans du 100% baston, z’allez être déçu. Et si vous pensez simplement que par la suite ça va se taper sans cesse, z’allez aussi être déçu. En effet Morita prend d’abord le soin de poser tous ces personnages, les lieux, les lycées etc. et sur plusieurs tomes. Il prend aussi soin de bien introduire Maeda son personnage principal et que le lecteur apprenne a bien le connaitre avant de rentre dans le « dur » et et dans des arcs centré sur la bagarre. Et tout au long des 422 chapitres, Morita alterne efficacement entre arcs narratifs centrés bastons, vie scolaire, évolutions des personnages, chapitres comiques, Omake, sans oublier le fil rouge de la série : la boxe. Cela donne un rythme particulier à la narration, au déroulé du récit, un coté plus posé et en même temps c’est riche et varié, parfois même un peu « slice of life » sur les bords. Comme Morita prend soin de ses personnages, qu’il les remets en avant, les entretiens, les fait évoluer, forcément on s’y attache et on vibre avec eux. Et comme on a appris a bien les connaitre, Morita peut par moment utilisé pas mal de non-dits et tout faire passer par l’image. Un regard de Maeda suffit souvent au lecteur pour comprendre énormément de choses… Et ça c’est un sacré tour de force.

Racaille Blues/Rokudenashi Blues est un récit qui explore énormément de thèmes, de sujets. Tantôt léger, tantôt grave, le titre ne cesse de se renouveler, de s’enrichir et comme les messages et les valeurs qu’il véhicule sont intemporelles et universelles, on comprend pourquoi plus de 30 après sa parution ça reste un must read et un classique du genre.

Racaille_Blues_Manga

Le tout servi par un dessin sublime ! Fin, réaliste, expressif, Morita excelle dans tout, et son dessin s’adapte et sert toutes les situations. Arrières plans travaillés, passages d’actions clairs et subtilement découpés, visages expressifs, le taf est juste énorme surtout quand on sait que Morita pouvait livrait 19 pages par semaine ! Et ce dessin sublime couplée a un découpage dynamique et efficace, ça contribue à s’immerger encore plus dans le récit.

Si aujourd’hui c’est un titre culte et recherché, à l’époque ou c’est sorti ici, ça se vend pas et personne n’en parle ou presque. Heureusement J’ai Lu est allé au bout de la publication même si ça se vendait pas… Et pourtant on à là un classique du Furyō manga en 42 tomes. Heureusement Pika republie la série en 2022 dans une édition « Masterpiece ».


Un mot sur la traduction ; Maeda est originaire du Kansaï et son accent de la région a tendance à ressortir quand il s’énerve. Dans la VF de J’ai Lu, ils ont choisi de lui donner un accent marseillais et ont poussé le truc loin avec du « Oh putaing cong! » et autres expressions typiques. Néanmoins ça occasionne pas mal de décalage et de sourires lors de la lecture et je vois pas quel autre accent, connu de tous les francophones (merci les adaptations de Pagnol), le traducteur -Taro Ochiai- aurait pu utiliser… La traduction J’ai lu est très fluide et cash, les gars c’est des racailles et ils s’expriment comme tel. Les nombreuses références ou termes précis sont légendés dans les marges. La trad de Pika est plus timide, exit l’accent ils ont opté pour un bégaiement. Quelque part on perd un ressort comique. Le langage est beaucoup moins cru, perso je les trouve bien poli pour des délinquants. Pourtant la traductrice Pascale Simon connait le sujet vu qu’elle a déjà officié sur Bakuon Retto et Ushijima…

rb

En définitive, même s’il est très classique dans sa forme, Racaille Blues a su s’imposer comme un classique du genre. Intemporel, on peut le découvrir aujourd’hui sans le trouver daté ou vieillot, justement parce qu’il sublime des recettes classiques et efficaces, maintes fois éprouvées et encore utilisées aujourd’hui. Le tout servi par des putains de persos, des intrigues bien ficelées, de l’action et de la bagarre bien comme il faut et bien plus que ça. Sans oublier le magnifique coup de crayon de Morita…

Un must read pour tout les amateurs du genre….

racaillesBlues

*Article mis a jour le 14/06/22

13 commentaires

  1. Je connaissais déjà de nom, car comme tu l’as dit, c’est un classique.
    Et justement, le fait qu’il soit si dur à trouver et que visiblement personne n’ait envie de le rééditer me soûle profondément puisque j’aimerai vraiment découvrir cette série !

    En dehors de ça, excellent article qui donne encore plus l’eau à la bouche !

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    1. Pour la découvrir faut t’accrocher (ou employer des moyens extra-légaux :p). Ou miser sur un coup de chance sur un vide grenier ou un magasin de seconde main pour les chopper (un pote les as eu en intégrale sur un vide grenier pour 50€)

      Merci pour le compliment et le soutien, toujours plaisant a lire ce genre de comment :p

      Aimé par 1 personne

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